Si vous tapez sur votre moteur de recherche « Prêt de main-d’œuvre Covd-19 », vous serez invité à consulter le site du Ministère du Travail, lequel vient de mette en place, sans tambour ni trompette et pour la durée de la pandémie, un dispositif autant unique que surprenant.
Plus qu’un long discours, nous reproduisons le texte figurant sur la page d’accueil du Ministère :
« Dans le contexte actuel sans précédent, les salariés inoccupés qui le souhaitent, peuvent être transférés provisoirement dans une entreprise confrontée à un manque de personnel. Il s’agit d’une « mise à disposition » temporaire qui suppose l’accord du salarié et des deux entreprises.»
- Dans le cadre de cette « mise à disposition » temporaire, le salarié conserve son contrat de travail et 100% de son salaire habituel, versé par son employeur d’origine. L’entreprise qui l’accueille temporairement rembourse ce salaire à l’entreprise d’origine.
Le site vous invite ensuite à télécharger deux modèles mis en ligne, un avenant au contrat de travail prêt de main-d’œuvre et un modèle de convention de prêt de main d’œuvre. S’y ajoute un petit commentaire :
« Cela doit ainsi permettre à des entreprises qui relèvent d’activités essentielles à la vie de la Nation, de pouvoir être maintenues sans interruption afin de permettre aux Françaises et aux Français de s’approvisionner et de protéger leur santé ».
Dans un contexte de chômage partiel à grande échelle, jamais connu en France, trouver des solutions allant dans le sens de l’emploi, de la solidarité et du retour à l’activité économique est bien entendu louable.
Mais…
Aménager, sans formalisme excessif, la possibilité de recours au prêt de main d’œuvre d’une entreprise à une autre, incitant les salariés confinés à travailler pour le compte d’autrui par « une mise à disposition temporaire » doit nous interpeller. Nous sommes en présence d’un prêt de main d’œuvre licite préconisé par les pouvoirs publics et qui, Covid-19 oblige, bénéficie d’une procédure de mise en place allégée. Ce dispositif tel que prévu sur le site ministériel prévoit ce prêt sans compensation financière, l’entreprise « prêteuse » versant le salaire habituel du personnel détaché dans l’entreprise « utilisatrice », laquelle reversera le salaire à l’entreprise « prêteuse ».
Arrêtons-nous quelques instants sur l’article L. 8241-1 du Code du travail qui pose le principe de l’interdiction du prêt-de main-d’œuvre à but lucratif à titre exclusif, à l’exception des prêts de main-d’œuvre réalisés dans le cadre de dispositifs spécifiques autorisés par la loi, soit le travail temporaire, le portage salarial et les entreprises de travail à temps partagé.
Cette règle de droit devrait rassurer, toutefois la frontière est parfois peu marquée entre ce qui est réglementé et ce qui ne l’est pas.
J’en veux pour preuve une jurisprudence foisonnante qui tente de définir les critères permettant de considérer un prêt de main-d’œuvre comme licite ou illicite, la notion de « gratuité » dissimulant parfois quelque arrangement commercial entre deux entreprises peu scrupuleuses, sans parler de main-d’œuvre « prêtée » non qualifiée dont on mesure les conséquences quant à la santé et la sécurité au travail.
Le secteur de l’intérim a jusqu’ici su dénoncer les formes de travail sortant du cadre exclusif du travail temporaire (prêt-de-main d’œuvre illicite, marchandage, travail dissimulé), passée la pandémie du Covid 19, la profession pourra s’assurer que cette autorisation ministérielle exceptionnelle sera levée.