La loi du 16 août 2022, dite loi « pouvoir d’achat », a mis en place tout un panel de mesures, largement commenté dans les médias (prime de partage de la valeur, monétisation des jours de RTT, défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires, régime social des titres restaurants…).
L’une de ces mesures est passée quelque peu sous les radars de la presse, alors même qu’elle est une des conséquences de la crise énergétique qui touche l’Europe, à la suite du conflit opposant l’Ukraine et la Russie.
De quoi s’agit-il ?
La réponse se trouve dans l’article 32 du chapitre de la loi consacré aux mesures sociales de la loi « pouvoir d’achat ». Nous reproduisons l’intégralité du texte, avant de vous en proposer une lecture simplifiée
« Chapitre II : Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité (Articles 32 à 36)
Article 32
Le chapitre VI du titre Ier de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon est complété par un article 21-1 ainsi rédigé :
Art. 21-1.-I.-En cas de reprise temporaire d’activité des installations de production d’électricité mentionnées au II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie résultant du rehaussement par l’autorité administrative de leur plafond d’émissions de gaz à effet de serre prévu à l’article 36 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat pour faire face à une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, les entreprises mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance qui ont mis en œuvre le plan mentionné à l’article 2 peuvent, en sus des cas de recours aux contrats de travail à durée déterminée ou aux contrats de mission mentionnés aux articles L. 1242-2, L. 1242-3, L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail, conclure de tels contrats lorsqu’ils sont nécessaires à l’exploitation de ces installations. Lorsque des contrats de travail à durée déterminée ou des contrats de mission sont conclus à ce titre, les conditions suivantes leur sont applicables :
« 1° Le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission peut être conclu avec un salarié dont le contrat a été rompu pour les raisons mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance. Le congé de reclassement mentionné à l’article 4 ou le congé d’accompagnement spécifique mentionné à l’article 6 est suspendu pendant la durée du contrat. Le terme initial du congé de reclassement ou, lorsqu’il a débuté, du congé d’accompagnement spécifique est reporté pour une durée égale à celle des périodes de travail effectuées ;
« 2° Par dérogation aux articles L. 1242-5 et L. 1251-9 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission peut être conclu dans les six mois suivant le licenciement pour motif économique, notamment avec les salariés qui bénéficient des congés mentionnés au 1° du présent I.
« II.- Lorsque le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission est conclu avec un salarié mentionné au 1° du I du présent article, par dérogation aux articles L. 1242-8-1 et L. 1251-12-1 du code du travail, sa durée totale peut aller jusqu’à trente-six mois, compte tenu, le cas échéant, du ou des renouvellements intervenant dans les conditions prévues aux articles L. 1243-13-1 et L. 1251-35-1 du même code.
« III.- Lorsque le contrat est conclu en application du I du présent article, le délai de carence prévu aux articles L. 1244-3 et L. 1251-36 du code du travail n’est pas applicable, sans que la durée totale des contrats conclus pour pourvoir un même poste puisse excéder trente-six mois.
« IV.- Le présent article est applicable aux contrats à durée déterminée et aux contrats de mission conclus à compter du 1er juillet 2022 en vue de permettre la reprise temporaire d’activité mentionnée au I, et jusqu’au 31 décembre 2023. »
En d’autres termes, nous comprenons que :
- Les centrales à charbon temporairement ré-ouvertes sont autorisées à recourir au CDD et au contrat de mission lorsque ces embauches sont nécessaires à l’exploitation de leurs installations, quand bien même ces embauches aient lieu dans les six mois suivant le licenciement économique des salariés.
- Cette dérogation est applicable aux contrats conclus du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023.
- Les anciens salariés de ces mines qui ont été licenciés dans le cadre d’un PSE et bénéficiaires d’un congé de reclassement ou d’accompagnement spécifique, peuvent être réembauchés en CDD ou contrat de mission dans les conditions suivantes :
- le congé de reclassement ou d’accompagnement dont bénéficie les salariés est suspendu pendant la durée du contrat de travail et reprendra à son terme ;
- la durée du contrat conclu peut aller jusqu’à 36 mois compte tenu, le cas échéant, du ou des renouvellements légaux ou conventionnels, le délai de carence ne s’appliquant pas.
À notre connaissance, certaines centrales en sommeil pourraient être concernées par cette mesure temporaire : nous pensons à celle de Saint-Avold (Moselle), ou encore celle de Cordemais (Loire-Atlantique), mais d’autres sites pourraient les rejoindre. Il est trop tôt pour nous avancer sur les décisions qui seront prises au niveau de l’État, dans les semaines à venir, quant au redémarrage effectif de ces centrales prévue dès cet hiver et dans quelles conditions (le ministère de la Transition Énergétique annonçant des contreparties « car ce redémarrage doit être neutre pour l’environnement, l’exploitant s’engageant sur des projets de reforestation par exemple »).
À suivre, donc, de très près.