Le temps de pause ne cesse, au fil des années, de donner lieu à des décisions jurisprudentielles qui en remodèlent le contour. Ainsi, très récemment, par un arrêt du 2 juin 2021, la Cour de cassation est intervenue une nouvelle fois sur le sujet et plus particulièrement sur cette obligation de rester joignable pendant la pause. Revenons sur les faits, pour comprendre la décision de la Cour.
Nous sommes dans un centre d’une société spécialisée dans l’externalisation de la stérilisation dans le secteur médical, situé dans le Lyonnais. Trois salariées y exercent les fonctions d’encadrement sécurité. Une pause de trente minutes (supérieure au minima légal de vingt minutes) est instaurée dans le centre pour éviter le dépassement des six heures de travail continu. Or, durant ce temps de pause, les salariées peuvent se déplacer librement, mais doivent garder sur elles leurs téléphones mobiles professionnels, afin d’être joignables et de « pouvoir répondre à une information urgente à transmettre au transporteur pour les livraisons »
Rappelons ici le principe fondé sur l’article L 3121-1 du Code du travail : si, durant une pause, un salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, cette période doit alors être considérée comme temps de travail effectif et rémunérée. Ce principe n’interdit pas pour autant à l’employeur d’imposer certaines contraintes au salarié, pendant cette période sans travail.
C’est tout l’enjeu de cette affaire : la contrainte téléphonique permet-elle de considérer le temps de pause des trois salariées comme du temps de travail effectif ?
- Oui, selon la Cour d’appel qui condamne la société à payer les salaires (et les congés payés y afférant) correspondant à ces temps de pause, dans la mesure où les trois agents devaient rester en permanence à la disposition de l’employeur et ne pouvaient donc vaquer à leurs occupations personnelles.
- Non, selon la Cour de cassation qui annule la décision des juges du second degré, considérée comme privée de base égale. En effet, en quoi l’obligation de garder le téléphone, pendant la pause, caractérise une situation de travail effectif et empêche les salariées à vaquer à leurs occupation personnelles ? Si la possibilité d’une intervention demandée au salarié dépend d’une situation exceptionnelle, cela ne remet pas en cause le temps de pause .
Voici un an, nous avions déjà reproduit une décision de la Cour de cassation, dans le même sens, une agent d’exploitation de sûreté aéroportuaire reprochant à son employeur le non-paiement de ses temps de pause, au motif qu’elle devait rester sur son lieu de travail, en tenue et qu’elle pouvait être appelée à tout moment. La Cour suprême avait déjà basée sa décision sur le fait que la salariée pouvait aller où bon lui semblait, dans l’enceinte de l’aéroport, pendant son temps de pause, ce qui ne pouvait, dès lors, être assimilé à du temps de travail.
Que cet article rappelle aux agences d’emploi combien il est important de connaître les conditions d’exécution de la mission dans certains secteurs d’activité (commerce, grande distribution, logistique…) et de prendre le maximum d’informations auprès des clients sur les conditions dans lesquelles les salariés prennent leur temps de pause.